«
Alexis ? Alexis ! »
La femme, grande, les yeux verts et la chevelure blonde lâcha un soupir agacé. Où pouvait bien être passée sa fille. Elle devait pourtant l'attendre dans l'entrée avec sa sœur, ainsi que leur père. Ils devaient se rendre chez des amis de la famille, extérieurs au clan, et avec Alexis qui manquait à l'appel, ils étaient sûrs d'être en retard. «
Deirdre, as-tu vu ta soeur ? »
L'enfant, qui devait avoir environ quatre ans, secoua la tête en regardant sa mère, deux grandes orbes bleues la fixant avec intensité. La femme pinça les lèvres au point qu'il ne reste plus qu'une ligne sombre pour indiquer leur présence. Elle retint un juron en gaélique, langue couramment parlée au sein du clan, lorsque son mari arriva. L'homme, massif, les cheveux d'un roux éclatant avec de nombreuses tâches de rousseur, les yeux aussi bleus que sa fille regarda sa femme.
«
Tout le monde est prêt, dear ? » La mère d'Alexis secoua la tête.
«
Non, Alexis a disparu. »
Un sourire s'étala sur le visage de l'homme qui reconnaissait bien là le caractère de sa famille. Il secoua la tête en voyant le regard noir de sa femme et passa une main contre sa nuque, sous la longue tresse qu'il portait.
«
Je vais la chercher. » Il s'éloigna alors, son kilt traditionnel s'agitant alors qu'il avançait. Il sortit par la porte principal du château et regarda autour de lui. Le ciel était sombre, les étoiles et la lune de sortie, et aussi... Il sentit une masse s'abattre sur ses épaules et sursauta, prêt à s'en débarrasser quand la voix enfantine retentit.
«
RoaaaAAAR, je suis un dragooooon ! Je vais te manger, humain ! »
L'homme rit de bon cœur et de sa grosse voix fit un «
Non ! Epargnez-moi ! Ne me mangez pas, Ô vénéré dragon ! »
La petite éclata de rire et se détacha de son père pour se laisser tomber au sol. L'homme se tourna vers elle et observa les dégâts fait à la robe qu'elle devait porter pour la soirée, toujours amusé. Elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à Deirdre, avec les mêmes immenses yeux bleus, et les cheveux blonds un peu bouclés. Quelques tâches de rousseur parsemaient son visage, un grand sourire s'étalant sur ses lèvres pour dévoiler des dents blanches, quelques unes manquantes, sans doute tombées pour laisser place aux définitives.
«
Où étais-tu passée princesse ? » Alexis sautilla un peu sur place alors que son père sortait sa baguette pour réparer les dégâts faits à la robe. Elle pointa du doigt une corniche à l'étage supérieure.
«
J'étais montée là ! Pour pouvoir regarder l'aurore boraelle !-
Boréale, » Corrigea son père. «
Bon, ne dit rien à ta mère, sinon elle va encore s'inquiéter. Tu sais comme elle est. »
Alexis hocha la tête avec un grand sourire, son père achevant de réparer la robe. Il se redressa ensuite et admira le ciel, ainsi que l'aurore boréale qui s'y étendait. Un dragon passa dessous, la coupant en deux brièvement, et l'homme prit la petite fille dans ses bras, la soulevant sans mal pour la ramener à l'intérieur. Ceci fait, il la laissa regagner le sol et aller rejoindre sa sœur, sur laquelle elle sauta, la taclant à moitié plus qu'autre chose et manquant de la faire tomber.
Les deux adultes vinrent prendre la main des gamines, et ils transplanèrent.
Les gerbes d'eau laissaient apparaître des orques au large des côtes des îles écossaises habitées par le clan. Les majestueuses créatures marines se soulevaient des eaux avec une grâce et une majesté qu'on ne se serait pas attendu à voir chez un animal aussi massif. Et pourtant, pour la bête cela semblait si facile. Le bleu de l'océan se déchirait pour laissait passer les puissantes bêtes, tout comme le bleu du ciel semblait s'effacer pour laisser passer les dragons, maîtres des vents charriés par la mer. Ces deux éléments avaient toujours parus étroitement liés à Alexis, qui admirait les vagues immobiles au loin qui taillaient dans un horizon sans fin. Et elle sentait que sa théorie se confirmait lorsqu'elle voyait les orques et les dragons jouer ensemble.
En effet, elle pouvait observer de jeunes spécimen s'amuser avec les animaux marins, sous l'oeil attentif d'une mère qui surveillait qu'ils ne se fassent pas happer sous la surface. Le jeu, à observer, était magique. Les éclats d'eau brillaient, et les dragons souples et habiles s'engouffraient sous l'immense prédateur. Les gerbes de flamme rejoignaient celles de l'eau, brièvement, et les animaux poursuivaient leurs jeux.
Il fallait être natif des îles pour savoir où aller afin d'observer ce spectacle. Savoir où les orques allaient passer n'était pas donné à tout le monde, et seuls les hommes et les femmes du clan avaient une odeur qui n'alertaient pas les dragons et permettaient une telle observation. Sans même parler du fait qu'il ne fallait pas se perdre sur les îles qui semblaient s'étendre à l'infinie.
Elle aurait ainsi pu rester des heures et des heures comme ça, mais une autre voix l'en empêcha. Elle se leva et courut jusqu'au rebord du plateau rocheux sur lequel elle était installée pour découvrir sa sœur.
«
Deirdre, grimpe, il faut que tu vois ça ! »
La gamine fit non de la tête et pointa du doigt la direction du château. Alexis haussa un sourcil, fronça un autre, clairement perplexe. Elle poussa un soupir en se redressant et regarda autour d'elle avant de tourner le dos au vide pour pouvoir entamer une descente. Grognant un peu dans l'effort, l'enfant d'à peine sept ans faisait attention à où elle mettait les pieds.
Cette fois elle n'avait pas d'adulte pour la rattraper.
Et si elle avait confiance en sa magie, elle doutait que cette fois elle soit à nouveau sauvée par celle-ci, comme ce fut le cas la première fois qu'ils se manifestèrent. Enfin, ce n'était pas qu'elle n'avait jamais montré aucun signe de magie : comme la plupart des petits sorciers, elle en avait eu à diverses reprises, mais c'était la première fois que ça arrivait devant tant de gens du clan. Quelle idée avait eu Angus aussi de la mettre au défi de grimper sur le vieux rempart qui devait être réparé suite à un – petit – incident impliquant un dragon. Qui l'avait à moitié défoncé. A cause de ça, elle avait pris entre ses mains une pierre à moitié délogée et était tombée. Comme la plupart des adultes étaient alors occupés à préparer la fête qui avait lieu autour de leurs jeux traditionnels marquant le solstice de Printemps personne n'avait rien remarqué. Résultat, sans sa magie, difficile d'affirmer qu'elle aurait survécu à la chute.
Ceci dit, elle parvint à atteindre le bas de la parois rocheuse sans problème et rejoignit sa sœur pour la suivre, croisant les bras derrière sa tête en avançant tranquillement. Elle devait se restreindre au rythme tranquille de sa sœur, ce qui la faisait grogner un peu.
«
J'imagine que c'est les papa et maman qui t'ont demandé de venir me chercher. Tu as décidé de continuer à ne pas parler ? Aaaar, tu peux être si ennuyeuse parfois ! » Alexis fit une moue des plus adorables pour manifester son mécontentement, finissant par arriver au niveau du portoloin permettant aux enfants de voyager d'île en île sans que cela nécessite la présence d'un adulte. Cela offrait une indépendance assez impressionnante aux enfants, qui apprenaient très vite les règles de sécurité de base des îles, souvent à travers les histoires prodigués par les anciens du villages que par les conseils des parents. Si un enfant venait à se perdre, les parents avaient de toute façon connaissance de sorts permettant de retrouver les plus jeunes. Cela évitait les pertes qui, à une époque étaient courantes. Mais les temps avaient changés.
Elles arrivèrent devant le château, jetèrent le portoloin dans un bac en contenant visiblement un certain nombre. Alexis leva les yeux vers le ciel et vit à travers les nuages blancs l'éclat du soleil transparaître, une fine bruine tombant sur les adultes qui s'agitaient aux alentours, un rugissement de dragon se faisant entendre entre deux ordres donnés par une voix indistincte. Alexis n'avait aucun mal à distinguer la douleur qu'elle pouvait entendre dans le rugissement, et se dit rapidement qu'ils devaient être en train de le soigner. Un processus qui pouvait s'avérer douloureux chez les bêtes.
Les MacFusty n'aimaient pas trop avoir à intervenir ainsi auprès des majestueuses créatures, mais ils ne pouvaient pas non plus se permettre de juste les laisser à leurs morts ainsi. Avec moins de cinquante individus encore vivant, chacun d'entre eux comptaient pour l'avenir de l'espèce. Bien qu'il était important de maintenir un nombre de dragons assez bas pour éviter une prolifération sur les terres qui les forcerait à confier la responsabilité de ceux-ci au ministère. Ces incompétents qui avaient laissé des gobelins stupides enfermer un dragon sous terre.
C'était révoltant ! Abjecte même !
Entrant enfin entre les murs du château, les deux enfants rejoignirent la salle à manger. Arrangée dans un style assez ancien, une table en bois massif trônant au centre de la pièce, des chaises à dossier haut l'entourant. Leur entrée fut remarquée, et les quatre adultes présents, ainsi qu'une enfant plus jeune, se retournèrent vers les deux petits démons qui courraient vers eux.
«
Seanmhair ! Seanair ! »
La tête brune entoure de ses bras la vieille femme qui se trouvait à côté de sa mère, vite rejointe par sa sœur, dont les lèvres s'étirent grandement, visiblement heureuse de voir sa petite-fille en pleine forme.
«
Alexis, Deirdre ! Seas air mo bheulaibh, que je puisse vous voir. » Les deux petites filles s'exécutent, aucunement perturbées par le passage du gaélique à l'anglais, et encore moins par l'accent prononcé. Une exclamation heureuse s'échappa des lèvres de la grand-mère, joignant ses mains, satisfaite. «
Oooh, vous êtes àluinn, magnifique ! » L'émotion transperçait dans la voix, alors que leur grand-père regardait les petites et sa femme avec un air un peu amusé. Il était également ravi de voir qu'elles grandissaient bien.
Le mélange des deux langues au sein du clan était plutôt courant. Il faut dire, un cinquième de celui-ci parlait exclusivement gaélique, et beaucoup des membres du clan privilégiaient cette langue pour communiquer, la mélangeant parfois à l'anglais des
sassenach. Bien sûr la vaste majorité parlait tout de même anglais, puisque la plupart avaient été à Poudlard. Mais le mélange n'était en tout cas pas rare, surtout en présence des deux petites qui apprenaient les deux. Ainsi que le français, à cause entre autre du fantôme d'une de leur ancêtres, qui venait de cette fière nation et se refusait à parler l'anglais ou le gaélique, forçant la plupart des MacFusty du château à apprendre la langue de Molière. Evidemment, ce n'était pas la seule raison, mais cela aidait.
Leur mère s'approcha des deux petits filles et vint retirer une brindille des cheveux d'Alexis.
«
Bon, allez vous rendre présentables, et vite. Vous ne voudriez pas affamer vos grand-parents. Ah, prenez Remy avec vous, aussi, vous pourrez la coiffer ainsi. » L'enfant cachée derrière les jupes de sa mère s'en dégagea et s'approcha de ses sœurs, une tignasse rousse se distinguant nettement, cachant la moitié de son visage poupin de petite fille à la peau pâle. Les deux petites hochèrent la tête et se retirèrent.
«
Tu as fait un très bon travail en les élevant, Eoin. » Furent les derniers mots qu'entendirent les trois enfants. En effet, le père de famille était celui en charge de l'éducation des filles, pour laisser à sa femme tout le loisir de s'occuper du clan. Aucune tradition n'empêchait une femme de diriger si celle-ci était choisie pour, et elle n'avait en rien besoin d'un homme pour diriger à ses côtés. Fille aînée du précédent chef, elle avait hérité de son poste à sa mort, ayant été formée à ça presque toute sa vie. Personne ne s'y était opposé, et aucun membre du clan n'y avait même songé. Aucune loi ne l'interdisait de toute façon.
Elles revinrent une trentaine de minute plus tard, et Alexis fit signe à ses sœurs de se faire discrètes. Elle voulait écouter un peu à la porte pour savoir de quoi pouvaient bien parler les adultes.
Ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait, ni la dernière.
***
Alexis,
J'ai bien reçu ta lettre d'arrivée à Poudlard. Je suis heureuse que tout se soit bien passé pour toi. Ta répartition à Poufsouffle me fait très plaisir : tu découvriras bien vite que cette maison accueille parmi les meilleurs élèves de l'école et je ne doute pas que tu en feras partie.
Toutefois fait attention, l'isolationnisme entre les maisons est quelque chose de réel et si je ne doute pas que tu ne jugeras jamais quelqu'un pour sa maison, d'autres le feront. Il est important de ne pas se laisser avoir par les préjudices qui existent sur les différentes maisons.
Je suis en tout cas heureuse que tu te sois déjà fait des amis. N'hésite pas à les inviter sur les îles, je suis certaine que tout le monde serait heureux de voir d'autres jeunes sur les îles. Pense juste à bien les avertir de la présence des spectres familiaux et des dragons, même si je suis sûre qu'ils sont déjà tous au courant.
Je pourrais contacter leurs parents. Tu m'as parlé d'une miss O'Callaghan et d'une miss MacKay, si je me souviens bien. N'hésite pas à me prévenir si tu veux qu'elles viennent et ton père et moi s'arrangeront.
Tu manques beaucoup à toute la famille, et surtout à Remy, même si elle ne le montre pas particulièrement. Les Carter ont aussi demandé de tes nouvelles.
Leur fille est également entrée à Poudlard cette année mais elle n'a pas encore envoyé de lettre. Tu m'as dit qu'elle avait été envoyé à Serpentard ? J'espère que vous resterez amies malgré tout. Comme je te l'ai dit, méfies toi des rivalités et préjugés des maisons.
Prends bien soin de toi Alexis et pense à bien faire tes devoirs. Ecris-nous régulièrement.
Ta maman qui t'aime
***
Alexis venait d'ouvrir l'enveloppe pour sa cinquième année à Poudlard quand elle entendit les portes du salon s'ouvrir avec fracas. Elle sursauta et fronça les sourcils. C'était rare que quelqu'un arrive dans la demeure familiale d'une telle façon.
La blonde reconnue toutefois le bras droit de sa mère, Jorden. Elle se leva immédiatement et s'approcha, la mine inquiète.
«
Tout va bien ?! Il se passe quelque chose ? »
Essoufflé, il secoua la tête et posa une main sur l'épaule de l'aînée des MacFusty.
«
Va chercher ta mère, et vite. »
Elle hocha la tête avec détermination et se précipita dans la maison pour aller chercher sa mère. Celle-ci se trouvait dans son bureau et elle fut surprise de voir sa fille débarquer comme ça de bon matin. Rapidment Alexis lui expliqua la situation, ou du moins que Jorden lui avait demandé de venir la chercher.
Elle redescendirent ensemble et il ne fallut pas bien longtemps à la jeune femme pour comprendre la gravité de la situation. Apparemment une créature s'était établie sur les îles et avait attaqué un gardien chargé de surveiller un nid de dragon à l'Est. Il ne fallut pas longtemps à Ceana pour sortir une immense carte des îles pour l'étaler sur la table.
Celle-ci présentait l'archipel qui s'étendait du nord des îles des Hébrides moldues au Sud-ouest des Shetlands. Toutes les îles étaient invisibles aux moldus et permettaient au dragon de paître en toute tranquillité. En échange des terres les MacFusty avaient été chargés, il y avait des siècles de ça, de garder les dragons sur les îles et d'éviter les incidents avec les moldus. Un travail qui avait toujours été accompli avec brio.
«
Il se trouve sur l'une des plus grandes îles, et on ne peut pas se permettre qu'il perturbe les dragons. Les femelles sont en pleine couvée... Il faut impérativement le retrouver avant qu'il ne les dérange ou qu'il se fasse tuer. Jorden. Va chercher des volontaires, nous allons organiser une battue. »
Jorden hocha la tête et il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne disparaisse. Alexis se redressa.
«
Je veux participer à la battue. »
«
C'est ho- » commença Ceana, l'air déterminée.
«
Maman ! Je suis une adulte selon les lois du clan ! J'ai reçu mon tatouage et je veux aider ! Tu ne peux pas me l'interdire. »
C'était faux, bien sûr, la chef du clan pouvait tout à fait interdire à sa fille de ne pas participer à la battue, mais elle savait aussi très bien qu'en agissant ainsi elle risquait de provoquer des troubles au sein du clan. Et avec tous les événements récemment survenus suite au Tournois des Trois Sorciers puis ce qu'il s'était passé avec Ombrage et au Ministère... le clan avait besoin d'être fort et uni si jamais une guerre devait se présenter à ses portes.
Ceana pinça les lèvres jusqu'à ce qu'elles ne forment plus qu'un mince trait à peine visible. Quelque part elle rappelait MacGonagall à Alexis, mais elle ne dit rien, se contentant largement de la réponse silencieuse de sa mère. Elle acquiesça. C'était tout ce qu'il fallait à Alexis pour qu'elle aille se préparer.
Deux heures plus tard, elle partit avec le reste des volontaires pour chasser l'intrus de leurs terres.
Alexis se souvenait. Elle se souvenait parfaitement de ce qu'il s'était passé avec Lupin. Ce cher professeur, doux et attentionné avec ses élèves, cet homme exceptionnel. Elle se souvenait de la colère qu'elle avait éprouvé alors. Elle ne comprenait pas pourquoi il avait fallut qu'il parte. Cette colère remontait chaque fois que les élèves évoquaient le sujet. Elle était toujours très vocale, toujours prête à défendre l'homme.
Elle se souvient de la réaction de Melinda Carter pourtant. Elle, elle était de ceux qui avaient encouragé son renvoie. Elle était de ceux qui avaient soutenu le départ du professeur. Après ça, sa relation avec la vert et argent s'était faite plus difficile. Elles parlaient moins qu'avant et petit à petit elles avaient tout simplement arrêté.
Ca arrivait.
Toutes les amitiés n'étaient pas faites pour durer.
«
Tu penses revenir bientôt ? Presque tous les jours on me demande ce que tu deviens, tu sais ? C'est ennuyeux. Tu n'as plus rien en plus, ce n'est pas comme si tu avais besoin de rester. »
Alexis ne répondait pas à Melinda. Sa voix lui paraissait lointaine et étouffée. Elle était revenue pour les vacances d'hiver. Sa sixième année – et celle d'Alexis aussi – avait déjà commencé depuis longtemps maintenant. Elle n'avait pas donné tant de nouvelles que ça à l'extérieur.
Elle avait vaguement servi le mensonge qu'on lui avait offert sur un plateau. Brûlée par un dragon durant l'été. Il lui faut du temps pour s'en remettre. Les soins sont difficiles, l'épuisent.
C'était des mensonges, bien sûr.
Elle avait été mordue.
L'intrus, la créature, était un loup-garou, et elle s'était faite avoir. Une morsure au flanc alors qu'il était hors de contrôle sous sa forme de garou et s'en était finie.
Quand Melinda partit, elle ne détacha pas son regard de la fenêtre.
Alexis avait peur.
Parce qu'elle se souvenait du rejet, elle se souvenait de l'aspect émacié et fatigué de Lupin, et elle se sentait misérable. Jusqu'à présent, elle l'avait toujours défendu mais aussi, au fond d'elle, elle s'était toujours dit, quelque part, dans un coin impure de son esprit 'Oh Merlin, j'espère que ça ne m'arrivera jamais'.
Alexis était revenue après Noël et nouvel an. Avec presque six mois passé loin de Poudlard, rares étaient ceux capable de remarquer la différence entre avant et maintenant. Les cernes à peine plus prononcés, les cheveux un peu plus cassants, les lèvres plus sèches. C'était lié à ces six mois passés à se demander ce qu'elle allait pouvoir faire, à sa peur et son désespoir, à son envie par moment de se laisser dépérir pour ne pas avoir à retourner à Poudlard et à affronter ses peurs.
Ca lui avait demandé du temps pour trouver le courage.
Et puis il y avait eu une lettre d'une de ses amies. De sa meilleure amie. Celle pour qui elle avait commencé à développer des sentiments avant l'été, celle à qui elle avait dit qu'à la rentrée, elle lui dirait ce qu'elle avait en tête avant de rentrer. Une rentrée qu'elle n'avait jamais vraiment fait.
Ca lui avait fait prendre conscience que ce qui lui était arrivé, que sa nouvelle condition ne pouvait pas l'empêcher de vivre. Qu'elle était encore jeune et qu'elle avait tant à faire.
Alors elle était revenue et si elle avait peur, elle ne le laissait pas paraître.
Petit à petit, elle retrouva son teint éclatant, le rose de ses lèvres, la lumière au fond de ses yeux. Scolairement, elle était à la traîne, mais retrouver ses amis et ses proches lui fit un bien fou. Vers la fin de l'année, la direction lui proposa quelque chose : le redoublement à cause du retard évident qu'elle avait pris et la chance d'avoir un nouveau départ.
Après une longue réflexion elle prit la décision de redoubler.
Il était hors de question qu'elle échoue à ses BUSEs à cause de ce qui lui était arrivé.
«
On ne peut pas les renvoyer à Poudlard. Même si nous sommes seulement sous protectorat, un jour ou l'autre, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom finira par s'intéresser à nous et nous ne pouvons pas prendre le risque que nos filles tombent entre ses mains, pas plus que nos îles. »
Eoin ne pouvait pas vraiment protester face aux arguments de sa femme. Il voulait que ses filles soient à l'abri de tous les dangers autant que sa femme. Alexis eut un regard vers ses sœurs avant de s'avancer dans le salon privé la tête haute, les épaules carrées.
«
Je ne reculerais pas devant lui. »
«
Alexis ! »
La très jeune adulte ferma les yeux un instant et inspira profondément avant de regarder sa mère dans les yeux, une douceur sans nom au fond du regard mêlé à de la détermination.
«
Je comprends ton inquiétude, mais je ne peux pas juste fuir et abandonner ceux que j'aime derrière moi, et il y a beaucoup de gens qui j'aime à Poudlard. Je ne pourrais pas me regarder en face si je devais rester à l'abri sur mon île pendant que le monde entier brûle dans la folie d'un monstre qui se prend pour un dieu. » Elle déglutit. C'était quelque part la décision la plus facile qu'elle ait jamais eu à faire de sa vie. «
Alors je suis désolée si je te déçois encore, mais je retourne à Poudlard. »
Ceana s'approcha de sa fille et posa sa main sur son épaule, un sourire triste aux lèvres.
«
Parfois je me maudis de t'avoir si bien élevée. Tu es tout ce que j'ai toujours espéré que tu serais, Alexis. Tu ne m'as jamais déçue une seule fois. »
Elle attira sa fille dans ses bras pour la serrer aussi fort que possible. Lorsqu'elle la libéra, elle se tourna vers ses deux autres filles qui se trouvaient toujours dans le couloir.
«
En revanche vous deux, hors de question que vous y alliez. Vous êtes encore mineures et c'est ma décision. »
Les deux plus jeunes râlèrent avant de venir se joindre à l'embrassade qui avait lieu dans le salon.
Jamais les MacFusty n'abandonneraient quoi que ce soit.
Alexis inspira profondément et elle sourit à sa mère.
«
Pour la dernière fois, ne t'inquiète pas, j'ai tout ce qu'il me faut. »
Ceana hocha la tête et Eoin passa un bras autour de la taille de son épouse.
«
D'accord. N'oublie pas : une fois que tu seras partie, tu ne seras plus autorisée à transplaner jusqu'aux îles. Plus personne ne le sera depuis l'extérieur, il faudra que tu utilises l'autre moyen parce que... »
«
La brume sera levée et entraînera une perturbation magique qui empêche de venir comme ça, je sais. Je connais les mécanisme de l'île par cœur, maman. »
Ceana prit une dernière fois sa fille dans ses bras. La déposer à Poudlard cette année ressemblait bien trop à des adieux, comme si elle ne la reverrait jamais.
Et peut-être que c'était ça.
Alexis prit le temps d'observer sa mère, de l'admirer une dernière fois avant qu'elle ne disparaisse. Pour le moment l'île était en sécurité, personne n'avait tenté de l'approcher, aucun partisan en tout cas.
Pour le moment... tout irait bien.